Mademoiselle Vigla

par Marcelle Vaultier-Hue (17 octobre 2000)

 

 

C'est sans doute le professeur qui nous a le plus marquées au cours de notre scolarité. Il y aurait beaucoup à dire sur ce prof vraiment pas comme les autres !

Le "cours type", il se déroulait toujours à peu près de la même façon. Si c'était au début de la matinée ou de l'après-midi, nous avions droit à l'incontournable prière, c'est-à-dire un Notre Père ou un Je vous salue Marie, debout dans les allées alignées. "Je ne veux voir qu'une seule tête" One head please !
Après cela nous plongions dans les aventures de John and Betty et Mademoiselle Vigla nous interrogeait en brandissant en l'air un numéro inscrit sur un jeton en ivoire (j'avais le numéro 17). Pas question d'être dans la lune, il fallait répondre vite et bien. Nous étions très bien entrainées à l'oral ! Après cela un peu de grammaire et pour terminer nous chnations en anglais accompagnés par l'accordéon God Saves the Queen, Hickory Dickory Dock, Who killed Cook Robin? ... tout un répertoire. On se procurait les paroles de ces chansons grâce à notre argent anglais (en carton). Une chanson égalait 2 shillings 6 pence (Half Crown). On avait cet argent grâce à la récitation de vocabulaire qui avait lieu en début de cours. 20 mots, one shilling chaque mot. On échangeait sa feuille avec la voisine et pas question d'oublier une faute: 1 faute oubliée = 2 points en moins. Mademoiselle Vigla ne nous rendait jamais les demi-feuilles sur lesquelles nous faisions cette récitation. Il fallait plier la feuille 2 fois (dans le sens vertical) et sans tenir compte de la marge (cela faisait des colonnes). Comme elle ne nous redonnait jamais ces feuilles, les mauvaises langues prétendaient qu'elle en faisait un usage "très personnel". Nous n'avons jamais pu en avoir la preuve...

Quoi qu'il en soit, l'heure passait très vite ponctuée d'histoires drôles et nous riions beaucoup.

Les tenues de Mademoiselle Vigla ne passaient pas inaperçues. Il y avait tout d'abord les petites "soquettes blanches" en été à même la peau, en hiver par dessus les bas. Les robes étaient en été pleines de froufrous et chaque hiver réapparaissait la grosse "moumoute" beige toute bouclée avec col capuche. Peut-être ce gros manteau a-t-il préservé notre professeur d'une chute ... dans la tranchée du tout à l'égout !

Mademoiselle Vigla dans la tranchée. C'était en plein hiver et Mademoiselle Vigla comme elle se plaisait à nous le rappeller souvent était "infirmière diplômée de l'Etat". Après ses cours, elle allait donc dans les familles. On l'appellait plus communément "la guêpe" à cause de son activité de piqueuse. Un soir d'hiver la lanterne de chantier s'était éteinte à cause du vent ! et Mademoiselle Vigla, la boîte à piqûres et le manteau "moumoute" plongèrent dans la tranchée. Heureusement des ouvriers des usines de cuivres passaient par là et comme ils sont "très braves" repêchent Madeleine, son manteau et sa boîte à piqûre. Mademoiselle Vigla a été très marquée de cette mésaventure. Chaque jour son visage prenait une couleur différente, bleu, vert, violet.... Quelle aventure...

Le Solex de Mademoiselle Vigla. Cette histoire se situe toujours à l'époque des piqûres à domicile. La tournée devenant trop longue, Mademoiselle Vigla s'achète un Solex. Elle n'était pas du tout à son aise sur cet engine notre Miss. Quand nous la rencontrions, nous lui adressions un retentissant Good evening, Miss mais elle répondait du bout des lèvres raide comme la justice sur son engin.
Au bas de la route de Granville, il y avait la boucherie de Monsieur Leteinturier. En face de la porte de la boutique, la camionnette avec les animaux de boucherie qui revenaient de l'abattoir. Mademoiselle Vigla loupa son virage et paraît-il monta jusqu'au milieu du pont du camion en vélomoteur. Parmis les spectateurs il y avait des élèves qui se chargèrent de répandre l'anecdote !

 

La suite...