Homélie prononcée par le P. Emest HAMEL


A Messe d'inhumation de M.L l'abbé J. LECOURT

Le 4 décembre 2001 à EROUDEVILE

 

«Je proclame ta louange ... », n'est-ce pas le rôle de tout chrétien à plus forte raison d'un prêtre, de travailler à la gloire de Dieu «ad majorem Dei gloriam », et de la proclamer. Qu'est-ce qu'il a caché à certains et révélé à d'autres ? Des mystères de la foi, au moins, et la philosophie que nos maîtres nous apprenaient au Séminaire.

Philosophe, Jacques LECOURT l'était et il faisait déjà l'admiration de son professeur de philo, comme il faisait la nôtre lorsqu'il participait aux splendeurs des cérémonies de l'Institut St Paul en compagnie de son ami,… un de sa classe et de sa taille, ornés d'une large ceinture violette ; car l'abbé Lecourt comme son nom ne l'indique pas, était grand de taille. La philosophie lui donnait une allure distraite à laquelle s'ajoutait une certaine surdité, tout cela était excellent en dissertation et en argumentation au Séminaire, mais peu utilisable chez un professeur de collège.

Car toute sa vie a été celle du professeur, à l'Ecole Apostolique et au Collège St Joseph de VILLEDIEU. Ordonné prêtre avec autorisation de l'autorité militaire, alors qu'il était diacre en 1939, il fut affecté par son évêque comme professeur en collège, et il est arrivé à Villedieu en 1944 : il y a donc passé 51 ans.

Docile à son supérieur, il a accepté les tâches que n'appréciaient pas les autres professeurs : surveillant de dortoir, surveillant des punis en retenue le mercredi après-midi ; il accomplissait sa fonction avec autorité, il exigeait des pensums correctement écrits et il en administrait largement pour le temps prévu. Une telle sévérité n'était pas appréciée des élèves, et souvent les jeunes en ont conçu des reproches, de l'agression et de l'amertume qu'ils épargnaient aux autres professeurs.

Et il était aussi professeur : le latin pour lequel il exigeait des leçons sues, au point de les faire réparer dans le couloir de sa chambre, et le grec qu'il a terminé avec deux élèves, dans son propre bureau sur un bout de table (quand il y avait quelques centimètres de libres dans le désordre de son intérieur), et l'histoire, servies par  une mémoire prodigieuse et fidèle. C'était son domaine préféré, apprécié surtout des inspecteurs de l'Etat ; l'un d'eux n'a t-il pas écrit en 1974 (sur le rapport d'inspection sur le règne et le siècle de Louis XIV) :

«Monsieur LECOURT sait faire réfléchir les élèves. Partant de ce qu 'ils ont déjà vu sur la période, ces derniers sont amenés à préciser les points qui les ont le plus frappés. On en tirera les thèmes d'études de l'heure et des suivantes.

Le tout est magistralement conduit, et mon rapport pourrait s'arrêter sur ce mot si je n 'ajoutais qu 'au cours de l'entretien qui a suivi, Monsieur LECOURT par sa modestie, ses connaissances, la rectitude de son jugement, ne m 'avait confirmé qu 'il était vraiment hors-ligne- »

Et signé avec une note mirobolante : Inspecteur pédagogique régional.

De plus outre son activité de professeur, le dimanche, pendant dix ans, il s'est rendu à la paroisse St Martin le Bouillant y prononçant une homélie en termes très accessibles pour ses auditeurs.

Il avait nécessairement ses marottes, et après avoir fait beaucoup de photos, il s'est entouré d'une encyclopédie de livres et de cassettes de musique. C'était une vraie encyclopédie, et après son arrivée au CAD, ce bon client de l'OCEP(la librairie de la Rue St Nicolas à Coutances) a pu lire et méditer des livres d'art d'exégèse et de spiritualité de très haute gamme.

Et quand l'Académie lui a rappelé la limite d'âge qui met fin au contrat d'enseignant il a offert ses services, bénévolement à l'école primaire du pays pour la surveillance des heures de garderie et le contrôle des leçons, une fonction qui l'a beaucoup réjoui et amusé.

Enfin il a fort apprécié l'accueil qui lui a été réservé, plus longuement à Coutances au Centre d'Accueil Diocésain et trop brièvement à Grimouvi1le où ses nouveaux confréres ont pu remarquer sa gentillesse dans la conversation et le dialogue.

Père LECOURT, vous avez beaucoup servi l'Enseignement Catholique, vous avez mérité la considération de vos collègues enseignants.

Le Père du ciel et de la terre vous a confié de riches talents, nous avons fêté ensemble vos noces d'argent sacerdotales, puis en 89 vos noces d'or. Les photos témoignent de votre piété, non seulement aux solennités, mais aussi à vos messes de chaque matin où vous avez proclamé la louange de Dieu, où vous avez retrouvé votre Seigneur et confié vos projets et les rosseries de l'âge qui est sans pitié.

Vous avez comme « beaucoup de prophètes, voulu voir ce que vous voyez », maintenant vous jouissez de la vision bienheureuse en Dieu, et vous entendez, non avec vos oreilles paresseuses, mais avec votre âme et votre foi «ce que d'autres n'ont pas entendu ».